dimanche 13 juin 2010

Le Plan des Masc


C'est par-delà les crêtes de Bertagne, derrière la Montagne Sacrée, que se cache le Plan des Masc. C'est là qu'un matin de printemps, à l'aube, comme je parcourais le lapiaz couvert de genets et de stipes, un sorcier m'a parlé.

Il m'a conté l'eau, qui traverse lentement la pierre pour en rejaillir, plus fraîche et plus pure. Il m'a conté le vent, qui pourfend les arbres, mais transporte aussi leurs graines. Il m'a conté la lumière, qui perce le brouillard pour nourrir les feuilles, et entretient ainsi le cycle infini de la vie.

Mais si on ne prend pas soin de chaque fleur, de chaque pierre, les plantes peuvent s'affaiblir et mourir. Puis ce serait le tout de ceux qui les mangent, puis le tour de ceux qui mangent ceux qui les mangent... Le vent soufflerait sur une terre stérile et l'air deviendrait du poison.

Ils ne sont pas maléfiques les esprits du Plan des Masc. Quand ils sortent le soir du Aven, c'est pour protéger leur terre et ses habitants. Ce sont les gardians du cycle de la vie. Même si le vieux chasseur les redoute, n'aies aucune crainte mon ami. N'écoute pas les anciennes légendes de village, écoute ton cœur.

dimanche 6 juin 2010

La Sainte Baume en danger


"Un simple caladage du chemin !", voilà ce que M. Martinez, Maire de la commune du Plan d'Aups, déclare en cette belle journée du 5 juin. Cela fait 350 ans que Louis XIV et sa suite sont venus faire pèlerinage à la Sainte Baume, remontant le chemin des Roys jusqu'à la grotte sacrée, par une froide et brumeuse journée d'hiver, en février 1660.

M. le Maire du Plan d'Aups répond à la presse, à proximité d'étranges manifestants.

Une jolie cérémonie costumée vient d'avoir lieu à l'Oratoire de Miette, là où derrière la chênaie on entrevoit enfin les superbes remparts calcaires de la montagne sacrée. Elle est organisée par l'association du "Chemin des Roys de Nans les Pins au Plan d'Aups Sainte Baume", qui fait revivre l'Histoire de ce lieu magique.

Des bénévoles font revivre le patrimoine de la Sainte Baume. Il semble y avoir un intrus parmi eux.

Les gardiens de la forêt relique se transforment en gardiens du Roy, le temps d'une cérémonie.

Il est beau cet oratoire, encore plus depuis que Manuel Paoli l'a restauré, avec tout le savoir faire et la patience d'un compagnon du devoir. Les heures, les jours, les semaines passés à travailler délicatement la pierre font échos avec les milliers d'années qu'il fallu au sol de la forêt pour se former, aux arbres pour pousser. Ils font échos aux millions d'année qu'il a fallu pour que des végétaux morts se déposent et fabriquent petit à petit les grandes falaises blanches qui protègent les lieux. Ils font échos au milliard d'année d'évolution qu'il fallu pour que la biodiversité du site soit telle qu'elle est aujourd'hui.

Parmi les spectateurs, de nombreux randonneurs et associatifs manifestent en silence leur mécontentement...

...Par respect pour le travail des bénévoles ils se contentent d'arborer des autocollants.

Dans ce tableau quasi parfait, décrit dans un article du Var Matin, une ombre plane pourtant. Parmi les spectateurs présents, une majorité arbore des autocollants où on peut lire "Touche pas à mes crêtes", "Pas de béton au Saint Pilon", "La Sainte Baume, tu l'aimes, tu la classes !". Ils n'ont pas perturbé le cérémonial et gardent le silence, respectueux du travail des bénévoles présents, mais M. le Maire se sent obligé de réagir à leur présence lors de son discours. Alors, simple "manifestation de l'opposition municipale" comme il le déclare ensuite, ou symptôme d'un mal bien plus profond ? Pour le savoir il faut revenir quelques jours en arrière...

Cerné par les manifestants, M. le Maire se sent obligé de promettre un classement du site.

La "sécurisation" du Chemin des Roys. 

Ce dimanche 23 mai, un curieux véhicule est repéré sur le Chemin des Roys, un peu au dessus du parking des "3 chênes". Cela fait déjà un moment que la commune du Plan d'Aups a décidé qu'il fallait "sécuriser" le chemin entre la Chapelle des Parisiens et le col du Saint Pilon. Que se passerait-il en effet si un randonneur se foulait la cheville en montant sur les crêtes ? Il pourrait se retrouver isolé malgré la bonne centaine de visiteurs qui passent là tous les jours, coincé toute la nuit, et il finirait sans doute dévoré par les loups (présents sur le site). On pourrait aussi imaginer qu'un enfant ou une personne âgée chute en descendant les marches usées du chemin et finissent empalés sur une branche de houx. On le voit, la question de la sécurisation des lieux était urgente et vitale.

Un bien curieux véhicule de "caladage", stationné le dimanche 23 mai sur le Chemin des Roys.

Bien sûr, l'ONF, gestionnaire de cette forêt domaniale, a accepté qu'un projet de restauration soir mené à bien à la stricte condition qu'il soit artisanal et fait à la main, le "simple caladage" évoqué par M. Martinez. On peut donc s'étonner de la présence d'un engin de chantier sur le site. Un peu plus haut sur le chemin, un remblais de cailloux écrase des plantes servant d'habitat à la chenille d'une espèce protégée de papillon, le semi apollon. Ainsi donc, une fois informées de ses curiosités, les autorités compétentes se rendent sur les lieux.

Le mardi 25 mai, des agents de l'ONCFS interviennent pour arrêter le début d'un massacre au tractopelle et au brise roche. M. le Maire arrive sur les lieux et il tente d'expliquer sa vision des choses aux agents présents. On peut le voir à l'œuvre sur cette vidéo qu'on peut voir en cliquant ici.

En conclusion.

Sur place, plusieurs délits sont constatés (une action judiciaire est en cours). Cela n'empêche pas les travaux de recommencer, et il faut une deuxième intervention avec menaces de saisie pour que le massacre s'arrête enfin.

Notre montagne est en danger, ce merveilleux trésor, qui est protégés depuis des centaines, des milliers d'année, est en passe de subir des blessures profondes et indélébiles. Demain, un brise roche peut casser la pierre ancestrale du col et après demain du béton pourrait bientôt remplacer la terre et tout ce qui y vit. Ce ne sont pas des propos alarmistes ou exagérés, c'est le triste constat de la volonté de certaines personnes de passer outre l'avis des autorités et des spécialistes pour mener leurs projets à bien. Des projets dont l'orgueil est à l'opposé même du respect et de l'humilité que ce lieu sacré devrait imposer. L'humilité de l'artisan qui sculpte lentement la pierre, du paysan qui entretient ses restanques sous l'écrasant soleil d'été, du marcheur qui va au bout de lui même pour atteindre le sommet.